Soins suboptimaux dans la prise en charge du sepsis

Les infections bactériennes sévères (IBS) restent une cause importante de morbimortalité de l’enfant. Dans une précédente étude, nous avions montré que 76% des prises en charge initiale des enfants décédés d’une IBS étaient suboptimales. L’association entre soins suboptimaux et décès a été suggérée dans des études anglo-saxonnes sur les méningococcémies, les méningites à pneumocoque ou le choc septique, mais ces résultats devaient être confirmés.
Nous avons montré dans cette étude en population, de type enquête confidentielle avec comité d’experts, que chaque soin suboptimal était associé à une augmentation du risque de décès. Les jeunes enfants et les enfants pris en charge par des médecins non spécialistes de l’urgence pédiatrique étaient plus à risque de soins suboptimaux.

Les soins suboptimaux dans la prise en charge initiale du sepsis de l’enfant pourraient augmenter le risque de décès.

Résumé

Introduction

Les soins suboptimaux sont fréquents dans la prise en charge de l’infection bactérienne sévère (IBS). L’objectif de cette étude était d’évaluer les conséquences et les déterminants des soins suboptimaux dans la prise en charge initiale des infections bactériennes sévères de l’enfant.

Méthodes

Dans une étude précédente, nous avions inclus tous les enfants de 3 mois à 16 ans décédés des suites d’une IBS dans 2 départements français sur une période de 7 ans. Nous avons ici comparé l’optimalité des prises en charge de ces enfants décédés à celles des survivants d’IBS sur la même période. Six types de soins ont été évalués : le délai au recours médical par les parents, l’évaluation initiale des signes de gravité par le médecin, le délai et la posologie de l’antibiothérapie et du remplissage. Deux experts indépendants et à l’aveugle de l’issue et du diagnostic final ont été chargés d’évaluer l’optimalité de ces soins. L’effet des soins suboptimaux sur la survie a été analysé par un modèle de régression logistique, ajusté sur les facteurs de confusion identifiés grâce à un diagramme causal. Pour l’analyse des déterminants, nous avons utilisés un modèle de régression multi-niveaux.

Résultats

Les soins suboptimaux dans la prise en charge initiale des enfants étaient significativement plus fréquents chez les 21 enfants décédés que chez les 93 survivants : 24% vs 13% (p=0.003). En analyse multivariée, chaque soin suboptimal était associé au décès avec un OR de 1,65 ; IC à 95% 1.08–2.54. Les types de soins les plus souvent suboptimaux étaient le retard au recours médical (20%), la sous-évaluation de la gravité par le médecin (20%) et le retard à l’antibiothérapie (24%). En analyse multivariée, les enfants de moins d’un an avaient un plus grand risque de soins suboptimaux en comparaison aux enfants plus âgés, alors que ceux recevant des soins d’un spécialiste des urgences pédiatriques ou d’un médecin du SMUR avaient un moindre risque de soins suboptimaux en comparaison à ceux recevant les soins d’un médecin généraliste.

Conclusions

Les soins suboptimaux dans la prise en charge initiale de l’IBS ont un effet global délétère sur la survie. Ces soins suboptimaux pourraient être évités par une meilleure formation des médecins de soins primaires aux spécificités de la pédiatrie.

Pour lire l’étude

Launay E, Gras-Le Guen C, Martinot A, Assathiany R, Martin E, Blanchais T, Deneux-Tharaux C, Rozé JC, Chalumeau M.
Why children with severe bacterial infection die: a population-based study of determinants and consequences of suboptimal care with a special emphasis on methodological issues.
PLoS One. 2014 Sep 23;9(9):e107286. doi: 10.1371/journal.pone.0107286.