Un contexte de complications maternelles sévères avant le travail et l’accouchement est associé à des taux de prématurité et de mortalité néonatale multipliés par 10, selon l’étude EPIMOMS. Les taux d’anesthésie générale et de césarienne en urgence, interventions en elles-mêmes porteuses de risque, sont également nettement augmentées. Ces résultats étayent et quantifient les liens entre santé de la mère et risques pour l’accouchement et le nouveau-né.
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Auteur correspondant : catherine.deneux-tharaux@inserm.fr
Résumé
Contexte : La morbidité maternelle sévère (MMS) est un indicateur clé de la santé maternelle. Généralement explorée sans distinction selon le moment de l’événement, elle reflète principalement la MMS du post-partum. Bien que la MMS antepartum (avant le travail) présente des défis spécifiques en raison de la nécessité d’optimiser l’équilibre risque-bénéfice pour la mère et le fœtus, ses facteurs de risque restent insuffisamment explorés.
Objectifs : Explorer les causes et les facteurs de risque de MMS antepartum, et décrire les complications de l’accouchement et l’état de santé du nouveau-né chez les femmes avec MMS antepartum.
Méthodes : Nous avons réalisé une étude cas-témoins nichée issue de la population de l’étude EPIMOMS sur la MMS (119 maternités de 6 régions françaises, 2012-2013, N=182 309 accouchements dans la cohorte source). Notre analyse a inclus toutes les femmes présentant une MMS antepartum (cas, n=601) comparées à un échantillon témoin aléatoire de femmes ayant accouché sans MMS dans les mêmes hôpitaux et à la même période (témoins, n=3650). Les facteurs de risque de MMS antepartum ont été identifiés par régression logistique multivariée après imputation des données manquantes.
Résultats : La MMS antepartum a compliqué 0,33% (IC à 95% [IC] 0,30, 0,36) des grossesses. Les facteurs de risque de MMS antepartum étaient l’âge maternel > 35 ans (odds ratio ajusté [OR] 1,55, IC 95 % 1,22, 1,97), l’augmentation de l’indice de masse corporelle (OR pour une augmentation de 5 kg/m2, 1,24, IC 95 % 1,14, 1,36), les femmes migrantes d’ Afrique sub-saharienne (OR 1,80, IC 95 % 1,29, 2, 53), une pathologie préexistante notable (OR 2,56, IC 95 % 1,99, 3,30), la nulliparité (OR 2,26, IC 95 % 1,83, 2,80), les troubles hypertensifs lors d’une grossesse antérieure (OR 4,94, IC 95 % 3,36, 7,26), la grossesse multiple (OR 5,79, IC 95 % 3,75, 7,26), un suivi prénatal irrégulier (OR 1,86, IC 95 % 1,27, 2,72). Chez les femmes présentant une MMS antepartum, les risques d’accouchement prématuré, de mortalité néonatale et de transfert en unité de soins intensifs néonatals étaient 10 fois plus élevés que pour les mères sans MMS. La césarienne en urgence (58,7% versus 29,7%) et l’anesthésie générale (3,8% versus 1,2%) étaient également plus fréquentes chez ces femmes.
Conclusions : La MMS antepartum est rare mais associée à un risque accru d’accouchement prématuré, de morbi-mortalité néonatale, et d’interventions à risque pour la mère.