Les femmes migrantes en situation irrégulière sont particulièrement à risque de morbidité maternelle sévère

Une analyse de la cohorte PreCARE montre que les femmes migrantes en situation irrégulière (« sans-papiers »), en particulier celles nées en Afrique sub-Saharienne, présentent le risque le plus élevé de morbidité maternelle sévère, alors que la prévalence des facteurs de risque ne semble pas être plus élevée dans ce sous-groupe. Ces résultats suggèrent que leur interaction avec le système de santé pourrait être impliquée dans ce surrisque. Ils soulignent la nécessité de sensibiliser les soignants au risque de complications chez ces femmes et d’améliorer l’accès à leurs droits.

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Severe maternal morbidity among undocumented migrant women in the PreCARE prospective cohort study. Eslier M, Deneux-Tharaux C, Sauvegrain P, Schmitz T, Luton D, Mandelbrot L, Estellat C, Azria E. BJOG Int J Obstet Gynaecol. 14 févr 2022. doi: 10.1111/1471-0528.17124

Résumé

Contexte : En Europe, les femmes migrantes, en particulier celles nées en Afrique sub-saharienne, ont un risque plus élevé de morbidité maternelle sévère que les non-migrantes. La situation administrative pourrait être un facteur de risque important, et potentiellement modifiable.

Objectif : Evaluer le risque de morbidité maternelle sévère chez les femmes migrantes, en tenant compte à la fois de leur situation administrative et de leur lieu de naissance.

Matériels et méthodes : La cohorte PreCARE est une étude prospective multicentrique ayant inclus toutes les femmes enceintes ayant accouché dans 4 maternités du nord de Paris d’octobre 2010 à novembre 2011 (N = 10 419). Après exclusion des femmes perdues de vue et celles ayant accouché avant 22 semaines d’aménorrhée, la population d’analyse comportait 9599 femmes. La situation administrative a été catégorisée en quatre groupes : le groupe de référence des femmes non-migrantes (nées en France), les femmes migrantes en situation régulière de nationalité française ou européenne, les femmes migrantes en situation régulière de nationalité non européenne, et les femmes migrantes en situation irrégulière. Le risque de morbidité maternelle sévère a été évalué à l’aide de modèles de régression logistique multivariée en fonction de la situation administrative des femmes et de leur lieu de naissance.

Résultats : Les femmes en situation irrégulière avaient résidé moins longtemps en France, étaient plus souvent confrontées à l’isolement social, aux barrières linguistiques et à de mauvaises conditions de logement, et avaient une prévalence moins élevée d’antécédents médicaux à haut risque avant la grossesse que les autres groupes de femmes migrantes. L’analyse multivariée a montré qu’elles avaient un risque plus élevé de morbidité maternelle sévère que les femmes non-migrantes (33/715 (4,6%) contre 129/4523 (2,9%), odds ratio ajusté [aOR] 1,68 ; intervalle de confiance à 95% [IC] 1,12-2,53). Ce risque accru était significatif pour les femmes en situation irrégulière nées en Afrique sub-Saharienne (18/308 (5,8%) contre 129/4523 (2,9%), aOR 2,26 ; 95%CI 1,30-3,91), mais pas chez celles en situation irrégulière nées ailleurs (15/407 (3,7%) contre 129/4523 (2,9%), aOR 1,44 ; 95%CI 0,82-2,53).

Conclusion : Les femmes migrantes en situation irrégulière, en particulier celles nées en Afrique sub-Saharienne, présentent le risque le plus élevé de morbidité maternelle sévère, alors que la prévalence des facteurs de risque avant la grossesse ne semble pas être plus élevée dans ce sous-groupe. Ces résultats suggèrent qu’une interaction non optimale avec le système de santé pourrait être impliquée dans ce surrisque. Ils soulignent la nécessité de sensibiliser les soignants au risque de complications chez ces femmes et d’améliorer l’accès à leurs droits.