La situation sanitaire de la France en matière de mortinatalité ne peut pas être évaluée à partir des statistiques européennes d’Eurostat

Les comparaisons internationales sont utiles pour évaluer la situation sanitaire de chaque pays, à condition d’utiliser les mêmes définitions, et que celles-ci reflètent bien la situation sanitaire, ce qui n’est pas le cas pour la mortinatalité en Europe, comme le rappelle une étude de Gissler et al.

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Gissler M, Durox M, Smith L et al. Clarity and consistency in stillbirth reporting in Europe : why is it so hard to get this right ? Eur J Publ Hlth 2022;32:200-6.

Résumé

Il est recommandé de calculer les taux de mortinatalité en rapportant les mort-nés, nés à au moins 22 semaines d’aménorrhée, à l’ensemble des naissances dans chaque pays (OMS). De plus, il est important d’exclure les interruptions médicales de grossesse (IMG), pour tenir compte des différences internationales de législation, et avoir ainsi une estimation plus directe de l’état de santé dans chaque pays.

Or Eurostat ne remplit pas ces conditions. Les Causes of Death Statistics de Eurostat produisent des taux en fonction des bornes de recueil utilisées par chaque pays, et suivant le poids de naissance mais les données suivant le poids sont manquantes pour plusieurs pays. Par ailleurs les European Demographic Statistics d’Eurostat décrivent a priori les mort-nés nés à partir de 28 semaines d’aménorrhée, mais ne fournissent pas de recommandations claires sur les définitions à respecter, et de nombreux pays n’utilisent pas cette borne.

Le réseau de recherche Euro-Peristat (1) a pour objectif de produire des statistiques de santé périnatale détaillées en suivant les définitions recommandées pour les comparaisons internationales, et permettre ainsi des comparaisons de qualité entre pays. Ainsi les effectifs des naissances et les mort-nés sont recueillis par classes détaillées de poids et âge gestationnel et si possible en tenant compte des interruptions médicales de grossesse.

La France avait en 2015 le taux le plus élevé de mortinatalité en Europe, selon les Causes of Death Statistics d’Eurostat (8,7 p 1000 mort-nés de 500 g ou plus) sur les 26 pays disposant de cette statistique, mais, si on se fondait sur les données d’Euro-Peristat, elle se situait au 10ème rang (3,2 p 1000 mort-nés de 500 g ou plus, hors IMG) parmi les 31 pays européens ayant un taux connu, ce qui correspondait à une diminution du niveau de mortinatalité de 63 % (tableau extrait de l’étude de Gissler et al).

Ces différences entre sources ont de multiples causes, les principales en France sont la méconnaissance du poids de naissance et surtout la non prise en compte des interruptions médicales de grossesse dans les statistiques d’Eurostat, par rapport aux statistiques utilisées par Euro-Peristat.

Cet exemple montre qu’Eurostat n’est pas adapté pour aider les décideurs à orienter les politiques publiques de santé au moment de la naissance. Selon le réseau de recherche Euro-Peristat, il serait possible d’améliorer la qualité de ces statistiques en utilisant au mieux les données disponibles dans chaque pays. Ces éléments sont à prendre en compte dans le contexte français actuel, en raison de l’évolution préoccupante de la mortalité infantile.

(1)Euro-Peristat. Better statistics for better health.