Selon l’étude JUMODA, les femmes ayant une grossesse gémellaire obtenue par PMA ont un risque de morbidité maternelle sévère augmenté de 30% comparativement à celles ayant une grossesse géméllaire spontanée, après prise en copte de leurs autres caractéristiques. Ce risque augmente de 50% en cas de FIV avec ovocytes autologues et de 170% après don d’ovocytes.
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Résumé
Objectif : Analyser l’association entre le mode de conception et la morbidité maternelle sévère (MMS) en cas de grossesse gémellaire en différenciant la FIV des autres traitements d’infertilité, l’origine ovocytaire et l’utilisation d’ICSI ou non, et exploration de l’effet de facteurs intermédiaires potentiels dans cette association.
Matériels et Méthodes : Analyse secondaire de la cohorte prospective JUMODA ayant inclus toutes les femmes ayant une grossesse gémellaire au-delà de 22 semaines d’aménorrhée (N = 8 823) dans 176 maternités françaises entre 2014 et 2015. Nous avons exclus les femmes pour lequel le mode de conception était inconnu (N = 75). Le critère de jugement principal était un critère composite de morbidité maternelle sévère. Le mode de conception a été étudié en 5 classes : les grossesses spontanées (groupe de référence), les traitements d’infertilité autre que la FIV incluant l’insémination artificielle et la stimulation ovarienne, la fécondation in-vitro avec ovocyte autologue (FIV-OA), l’ICSI avec ovocyte autologue (ICSI-OA), et le don d’ovocyte (DO). Une régression logistique a été réalisée pour étudier l’association entre mode de conception et MMS avec un ajustement sur des facteurs de confusion. Un modèle d’équation structurelle a été utilisé pour explorer la contribution dans cette association de facteurs intermédiaires potentiels (la pré-éclampsie non sévère, le placenta prævia et la voie d’accouchement programmée).
Résultats : Parmi les 8748 femmes de cette étude, 5890 (67,3 %) avaient obtenues une grossesse spontanément, 854 (9,8 %) par stimulation ovarienne ou insémination artificielle, 1307 (14,9 %) par une FIV-AO, 368 (4,2 %) par une ICSI-AO et 329 (3,8 %) par un don d’ovocyte.
Après ajustement sur les facteurs de confusion, les femmes ayant une grossesse gémellaire après une technique de procréation médicalement assistée (PMA) avaient un risque plus élevé de MMS que les femmes ayant eu une grossesse gémellaire spontanée (respectivement 7,9 % (227/2 858) et 5,3 % (311/ 5 890), OR ajusté (IC 95 %) 1,3 (1,1-1,6)).
Cette association variait selon la procédure de PMA utilisée. Le risque de MMS était plus élevé pour les femmes ayant eu une FIV-AO (8,3 % (108/1 307)), et après don d’ovocyte (14,0 % (46/329)) comparativement au groupe de référence (respectivement ORa (IC 95 %) 1,5 (1,1-1,9) et ORa (IC 95 %) 1,7 (1,8-4,1) respectivement), et plus élevé après don d’ovocyte qu’après FIV-AO (OR (IC 95 %) 1,7 (1,1-2,6)). Le risque de MMS pour les femmes ayant eu une stimulation ovarienne ou une insémination artificielle (6,2 % (53/854)) et ayant eu une ICSI-OA (1,4 % (20/368)) ne différait pas par rapport au groupe de référence (respectivement ORa (IC 95 %) 1,1 (0,8-1,5) et ORa (IC 95 %) 0,9 (0,6-1,5)). Les facteurs intermédiaires analysés expliquaient peu cette augmentation de risque.
Conclusion : Les femmes ayant une grossesse gémellaire obtenue par PMA ont un risque de morbidité maternelle sévère augmenté de 30% comparativement à celles ayant une grossesse spontanée; ce risque augmente de 50% en cas de FIV avec ovocytes autologues et de 170% après don d’ovocytes. Afin de ne pas exposer inutilement les femmes au risque combiné de la PMA et de la grossesse multiple, le transfert d’un embryon unique doit être encouragé. La connaissance de ces sur-risques de MMS apporte des éléments d’information pour la discussion entre le clinicien et les femmes concernant le choix du mode de conception et peut permettre d’optimiser la prise en charge obstétricale des femmes ayant un mode de conception à haut risque de MMS.